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COMMISSION POITRAS
MÉMOIRE
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SECTION 2
 

 
 

2.3 L'opportunisme et la stratégie politique.

Les gouvernements du Canada, du Québec et de l'Angleterre ainsi que toutes les municipalités sur les territoires faisant partie de l'ancienne Seigneurie du Lac des Deux-Montagnes reçurent au début de l'année 1989 une lettre du Conseil de Bande de Kanesatake qui réclamait juridiction et propriété sur les territoires de ladite Seigneurie.

Jean Jolicoeur qui habitait Kanesatake, et qui était directeur et le représentant industriel de la corporation industrielle qui représentait une grande partie du territoire revendiqué, ne prit pas les choses à la légère. Il apporta le sujet pour discussion lors de l'assemblé générale de la Commission Industrielle de Mirabel-Sud le 12 avril 1989 et fit passer la résolution suivante :

" Il est proposé par Jean Jolicoeur, appuyé par Monique St-Arnaud, et unanimement résolu que le gouvernement fédéral et provincial nous informent dans les plus brefs délais de ce qu'ils entendent faire pour remédier à cette situation, afin d'éviter une dégradation de la vie économique et sociale de la région. "20

La résolution fut envoyée aux premiers ministres et à tous les ministères concernés tant au fédéral qu'au provincial; un seul avis de réception à la douzaine de lettres envoyées fut reçu et il n'y jamais eu de suivi.

Si gouverner c'est administrer, conduire, prévoir et diriger les affaires publiques selon les lois qui régissent un pays, l'on peut conclure comme le coroner Guy Gilbert21 que les gouvernements n'ont pas gouverné à Kanesatake, avant, pendant et après la crise d'Oka.

Si tous conviennent que Kanesatake n'est pas une situation facile pour n'importe quel gouvernement elle est carrément catastrophique pour n'importe quel honnête citoyen qui y demeure car une crise politique est la plus vicieuse des situations d'urgence. Les gouvernements agissent toujours par opportunisme politique devant l'opinion publique qui demeure leur priorité bien avant le respect des droits fondamentaux des citoyens sinistrés. Au seul chapitre de la sécurité il y a une myriade de cas à Kanesatake.

Des gens masqués et armés étaient en poste à l'intersection du Chemin du Milieu et de la route 344 dès le début de mars 1990. Ils arrêtaient les véhicules, interrogeaient conducteur et passagers au vu et au su des patrouilles de la Sûreté du Québec sans que ces derniers n'interviennent d'aucune façon brimant ainsi des citoyens de leurs droits les plus fondamentaux.

Faut-il s'en étonner si des barricades se levèrent pour tous prétextes à Kanesatake et furent la hantise du quotidien des résidants de Kanesatake. Les palabres ministérielles n'avaient que sympathie22 à offrir à ces citoyens pris en otages; sympathie que ne partageait pas l'ensemble d'une population exaspérée et irritée et encore moins les autres instances gouvernementales.

C'est aussi par opportunisme politique s'il y eu cafouillage complet des gouvernements dans les dossiers de l'expulsion ¨manu militari¨ de Kanesatake du député Claude Bachand et du tir à Kanesatake sur avion et hélicoptère; ces deux dossiers sont traités dans les cas particuliers.

Seul le député de Deux-Montagnes, monsieur Jean-Guy Bergeron, a su reconnaître la conduite et le mérite des sinistrés d'Oka et il l'exprimait ainsi, le 18 octobre 1990, à l'Assemblée Nationale :

" En terminant, M. le Président, je voudrais rendre hommage à la population d'Oka pour la dignité avec laquelle elle s'est conduite durant la crise autochtone. Il faut avoir été sur les lieux jour après jour pour comprendre le drame que ces gens-là ont vécu."23

" Je profite de l'occasion pour saluer les gens de mon comté et ceux d'Oka qui ont vécu des jours terribles et je leur offre toutes mes félicitations et mon support pour l'avenir "23

Dans les faits si le " gouvernement a justement permis d'éviter un bain de sang et que le Québec ne devienne une terre fertile à la violence et au terrorisme "23 il le doit grandement aux citoyens de Kanesatake, qui non seulement ont vu plus de 90 de leurs résidences saccagées et pillées, mais ont dû souffrir de l'absence de protection policière et de la perte de leurs droits fondamentaux pendants plus de cinq ans.

Après cinq ans de recul on connaîtra la position des leaders du gouvernement du Québec sur la question. C'est ainsi que monsieur Robert Bourassa, dans son bouquin " Gouverner le Québec " publié en août 1995, écrivait sur la crise d'Oka; " Le 26 septembre 1990, la crise d'Oka est complètement terminée. "24. Quant à monsieur Claude Ryan, dans son bouquin " Regards sur le Fédéralisme Canadien " publié au 2e trimestre 1995, écrivait :

" Si le Québec put sortir avec dignité de cette crise, nous le dûmes à l'action de trois facteurs :

1. la remarquable convergence de vues qui s'était établie entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral concernant la ligne à suivre;
2. la coopération loyale et efficace qui exista aux divers stades de la crise entre l'autorité policière et l'autorité politique;
3. le rôle de soutien très utile que jouèrent les forces armées canadiennes. "25

Si le Québec (entendre le gouvernement du Québec) put sortir avec dignité de cette crise, est-ce que lui, le gouvernement du Québec, en a démontré de la dignité pour les sinistrés, pour ceux à qui il avait demandé d'être patient, pacifique, de laisser saccager leurs résidences sans réagir afin que le Québec ne devienne " une terre fertile à la violence et au terrorisme "? Ô que non.

Jean Jolicoeur fut nommé par les Mesures d'urgence, au début de la crise, chef de section à l'évacuation pour le secteur de Kanesatake26, secteur où aucun représentant de la municipalité, de la province ou du Canada n'était présent parce que considéré comme trop dangereux par la Sûreté du Québec elle-même. Faut-il rappeler ici que les citoyens de Kanesatake doivent protéger eux-mêmes leurs biens et leurs propriétés, ils se font enlever les vivres par la Sûreté du Québec quand ils passent aux barrages policiers et la Sécurité civile du Ministère de la Sécurité publique n'est intervenue que 29 jours après le début de la crise.

À eux seuls, Jean Jolicoeur et son épouse Huguette, ont subi d'innombrables violations à la sécurité et aux droits fondamentaux avant que Jean Jolicoeur demande l'évacuation de la population civile aux Mesures d'urgence. En voici quelques unes:

Le 31 juillet 1990 à 22 h30 aux barricades indiennes du Rang Ste-Germaine, Huguette Jolicoeur subit une fouille de son automobile et comme elle ne parle pas l'anglais, le ton s'élève. Comme je la suis avec mon automobile, j'interviens pour clarifier le but de la fouille. Sans mot dire, deux personnes armées et masquées m'appliquent deux armes à feu, une sur la poitrine et l'autre sur la nuque pendant plus de dix minutes, pendant que l'on fouille mon automobile en pleine noirceur. Rapport fut fait à l'inspecteur Lucien Landry de la Sûreté du Québec.

Le 1ier août 1990 à 23h00 aux barricades policières de la route 344 à Pointe aux Anglais, les policiers de la Sûreté du Québec fouillent mon automobile et nous forcent, moi et mon épouse, à sortir et à demeurer à l'extérieur pendant trois heures, c.a.d. jusqu'à 2h00 de la nuit sans vêtements chauds appropriés. C'est avec beaucoup d'arrogance, de mépris, dans l'excès et sans discernement que les agents de la Sûreté du Québec font leur travail. Les policiers refusent de s'identifier et de faire un constat.

Le 2 août 1990 à 10h30 mon épouse qui veut sortir du Territoire de Kanesatake pour se rendre au travail à notre usine de St-Placide se fait refuser la sortie aux barricades indiennes de la route 344 à Pointe aux Anglais que l'on est en train de convertir en blocage complet. Devant la perspective d'être bloquer à l'intérieur du Territoire, Huguette Jolicoeur s'effondre d'une crise d'angine de poitrine devant le blocage. Elles est secourue par des aînées autochtones qu l'aideront vers désormais la seule et unique sortie du Territoire de Kanesatake; le Rang Ste-Germaine. Rapport fut fait à l'agent Mantha de la Sûreté du Québec.

Le 2 août 1990 à 13h00 j'informe l'officier Gislain Thorn de la Sûreté du Québec de l'escalade de la violence et de la dégradation à l'intérieur du Territoire de Kanesatake. L'officier Thorn de la S.Q. me recommande de faire évacuer la population civile à l'intérieur de Kanesatake. À partir de son téléphone à l'intérieur de l'auto-patrouille de la S.Q. j'informe le coordonnateur des Mesures d'urgence, M. Gilbert Proulx, de la gravité de la situation à l'intérieur du Territoire de Kanesatake et je recommande l'évacuation de la population civile. Après une heure d'attente dans l'auto-patrouille, le coordonnateur des Mesures d'urgences m'informe de la décision : " Le gouvernement provincial refuse de procéder à l'évacuation afin d'aider à la gestion de la crise ".

Odieusement le gouvernement du Québec confirmait qu'il se servait de la population civile comme otage par stratégies politiques pour arriver à ses buts. Dans les faits ce sera la règle que le gouvernement du Québec suivra pendant les cinq années du conflit d'Oka27 & 28.

À la demande des citoyens de Kanesatake " pour notre protection et celle de nos biens "27, le ministre de la Sécurité Publique, Claude Ryan, en avril 1991 flouait, dupait et trompait toute la population du Québec en affirmant: " que des citoyens dramatisent la situation inutilement "27 alors qu'en août 1991 le Mohawk Council of Kanesatake lui-même confirmait dans un communiqué : " le Conseil Mohawk de Kanesatake a reçu de nombreuses plaintes de la part de membres de notre communauté. Nous sommes maintenant très inquiets pour leur tranquillité d'esprit et leur sécurité "29 et le communiqué d'ajouter et d'énumérer une série d'actes criminels qui traumatisaient la population de Kanesatake.

Devant tant de désinformation, par les leaders gouvernementaux que la population pensait si crédible, peut-on s'étonner que les appels au secours des gens d'Oka ne furent jamais pris au sérieux par le gouvernement. Même le très respectable John Parisella qui avait été mandaté par le premier ministre Robert Bourassa pour intervenir dans le dossier d'Oka "n'a malheureusement jamais rien fait "30. Tout au gouvernement du Québec était stratégie politique; jeter de la poudre aux yeux pour faire taire les plus bruyants.

" C'est odieux et indigne d'utiliser leurs morts dans une négociation politique! " clamait haut et fort le ministre de la Sécurité Publique, Serge Ménard, en mai 199531, alors que le gouvernement du Québec pendant cinq années a pris en otage toute une population civile pour des stratégies politiques.

Des incidents ci-haut mentionnés et des multiples autres signalés par la suite au cours des cinq années, de 1990 à 1995, jamais tant Huguette Jolicoeur que Jean Jolicoeur ne furent informé par la suite par la Sûreté du Québec que quelque suivi que ce soit ne s'est fait et de fait la Sûreté du Québec n'a plus jamais donné signe de vie jusqu'à ce jour.

___________________

20 Résolution 89-31, le 12 avril 1989, la Commission Industrielle de Mirabel-Sud Inc.
21 Revue de presse des 12 et 13 août 1995 suite à la parution du rapport du coroner Guy Gilbert.
22 Lettre du 8 novembre 1993 de monsieur Claude Ryan, ministre de la Sécurité publique à Jean Jolicoeur, président de l'APIK.
23 Journal des débats, Assemblée Nationale, le 18 octobre 1990, intervention de M. Jean-Guy Bergeron.
24 La Presse le 30 août 1995 par Mario Fontaine.
25 Regards sur le Fédéralisme Canadien par Claude Ryan, 2e trimestre 1995.
26 Communiqué des Mesures d'urgence aux Chefs de Section à l'Évacuation, 27 juillet 1990.
27 Le Journal de Montréal le 16 avril 1991, par André Beauvais.
28 La Presse le 3 juin 1994, par Rollande Parent de la Presse Canadienne.
29 Dans les dossiers particuliers #2, Mohawk Council of Kanesatake, communiqué du 21 août 1991.
30 Dossier de presse sur l'implication de John Parisella dans le dossier d'Oka.
31 Le Journal de Montréal le 18 mai 1995, par Jean Maurice Duddin.

Suite du Mémoire, page 6
 
 
 
 
 
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